Honor, Gradus, Dignitas (interprétations 2017 & 2001 Vol. 2) trouve sa genèse et son argument
dans le serment que prononçaient les chevaliers du Moyen-Âge. Frédérick Martin tisse les
liens finaux qu’il devine entre ces chevaliers d’autrefois et les musiciens rock d‘aujourd’hui.
Honor, l‘honneur, fait naître peu à peu d‘un bouillonnement de matière, véritable big-bang
sonore, un chevalier des temps modernes aux accents d‘une guitare fusion.
Gradus, la fermeté, débute telle une joute aux accents virils où la guitare et le mandoloncelle se
défient dans une débauche d’énergie et de violence, bientôt rejoints par une harpe-batterie
tonitruante. De là émerge la chanson de geste d’un troubadour pop—rock—modal qui nous
conte les exploits des combattants.
Dignitas conclut dans la dignité et l‘apaisement.
Ce triptyque aux allures de cérémonie païenne : c’est le calme après la tempête. Instant figé où
la harpe construit une succession architecturale de piliers-empilements de quintes aux
sonorités minérales tandis qu‘une guitare venue de nulle part égraine les glissandos d’un blues
déjanté. La mandoline, monodique et presque sérielle construit des arcs finement ciselés qui
viennent s'appuyer sur les contreforts harmoniques de la harpe. Croisées d‘ogives sonores,
plein cintre musical : une irréelle cathédrale gothique se dessine sous les doigts du trio.
Dowland's Box
Le CNSMP m’offrit l'opportunité en février 2002 de m'attaquer à la gaillarde « The Right
Honourable, The Lord Viscont Lisle », de John Dowland pour accompagner une conférence
sur la transcription au fil des siècles que j’y tenais à cette époque. J‘en fis une version pour deux
guitares où interviennent des gestes propres au jazz et au rock en écho à l‘auteur anglais qui
utilise souvent dans sa musique des caractères populaires de la musique de son temps. En
modi ant les structures de l'original, c‘est a dire en articulant différemment fi le couplet et le
refrain afin de transposer la pièce jusque dans son architecture en une pièce de musique
d’aujourd’hui et donc en faisant mien cet original par l‘apport d‘une énergie nouvelle suppléent
celle qui engendra la composition originale.
Avec l‘ambition d’en remettre une couche. je transformais le duo de guitares en trio pour
mandoloncelle, guitare et harpe. En fait. je prenais un parti-pris radicalement distinct des
contraintes fixées par la composition de Honor, Gradus, Dignitas écrit en 1999 écrit pour le
TrioPolycordes. Je redouble ici l’alternance couplet/refrain en donnant à chacun des
intermèdes solistes, peuplant les réminiscences de la mélodie ancienne, d‘impossibles
déchirures. J'imaginais alors John Dowland - mais trop tard - regardant par dessus mon épaule,
ouvrant de grands yeux flegmatiques sur une perplexité britannique à la lecture de ce que
devenait sa danserie. La vision en grandit. Dowland m'apparut dans mon dos avec les yeux de la
raison, je le vis alors dans une loge de théâtre, spectateur et auditeur du trio exécutant l‘une de
ses oeuvres complètement déformée –je le priai de se montrer indulgent. C’est ainsi que le titre
vint. Dowlan‘ box signifie la loge de Dowlan's, l‘apostrophe (‘) et la chute du « d » final
indiquant que dans sa dernière transcription en date, quelque chose de Dowland a été
fondamentalement rogné. Dans le cas d’une version ultérieure, le titre en comprendrait
nécessairement la mention « Dowla ». Frédérick Martin
Ustvolst
Composé en 2010 pour le TrioPolycordes, Ustvolst est un hommage à la compositrice russe
Galina Ivanovna Ustvolskaya, mais un hommage inverse. La musique d'Ustvolskaya est souvent
âpre et dramatique; ici, j'ai au contraire cherché une forme de douceur que pouvait seul rendre
le trio homogène constitué par une mandoline, une guitare et une harpe; une douceur et une
continuité de discours articulées autour des ressources de ces instruments, qui résonnent peu
mais possèdent une attaque extrêmement claire. Le choix de la mandole et du mandoloncelle à
la place de la mandoline, apporte un moelleux et une profondeur que celle-ci ne permet pas, et a
guidé la composition comme la couleur dirige la main du peintre. Durant une douzaine de
minutes, l'enchaînement des plans sonores combine les timbres et les registres, alterne
virtuosité et masses, dialogues et solos accompagnés. On entendra aussi bien une cantilène
délicate qu'une séquence de crépitements obstinée en 7/16, d'ivres glissés de harpe sur fond
de lourds accords qu'un entêtant dirge (hymne funèbre) soutient, avant que la fin de la pièce
bascule dans le silence à la pointe d'une accélération ». Frédérick Martin